Lors de nos interventions de coaching nous évoluons le plus souvent dans un “entre-deux”. Entre l’entreprise et la personne que nous accompagnons, deux univers, deux logiques, avec des enjeux différents. L’entreprise avec la complexité de son organisation et ses impératifs économiques, la personne avec ses questions, son ambition, ses désirs éclaircis ou non.
Quelle est cette position “d’entre-deux” ? A quoi renvoie-t-elle ? Quels en sont les écueils possibles ? Quels avantages aurions-nous de mieux la prendre en compte ?
J’interroge ma perception du monde économique dans lequel je vis, les liens que j’établis entre ma trajectoire personnelle et mon métier de coach, la place que j’ai choisi de tenir au sein de ce système dont je fais partie, qui m’alimente et que j’alimente.
Quels sont les “entre-deux” de la vie ? Comment vivre entre-deux pays, deux familles, deux âges, deux personnes, deux métiers, deux désirs. Pour ma part, comment je vis mes “entre-deux” ? Quelles résonnances ces situations peuvent-elles avoir sur ma posture professionnelle ?
Comment négocier avec mes frontières internes, mes instances psychiques ?
Dans l’action de coaching, nous nous retrouvons souvent pris entre la demande de l’entreprise et celle du coaché. Comment créer un lieu “d’entre-deux” où “co-habiter” ?
Je perçois le désarroi de Stéphane, dirigeant inquiet pour son évolution dans son entreprise en perpétuelle réorganisation, sa fatigue, ses questions et son envie de retrouver une fonction satisfaisante. Stéphane estime que c’est à son entreprise de lui proposer une nouvelle activité. Comment trouver le lien entre lui, là où il en est, et l’entreprise qui attend qu’il sache mieux se vendre et montrer davantage d’optimisme ? Comment l’accompagner pour qu’il trouve sa juste place ?
Isabelle arrive en coaching bouleversée de constater que certains de ses collaborateurs ne veulent plus travailler avec elle. Ils se sont plaints à la Direction des Ressources Humaines. L‘entreprise attend que son comportement distant et directif évolue. Je suis capable d’entendre les maladresses d‘Isabelle, sa méconnaissance des enjeux du poste mais j‘identifie aussi la responsabilité de l‘entreprise qui a laissé durer trop longtemps cette situation. Comment l’aider à franchir cet obstacle ?
Gérard, responsable financier, se débat avec lui-même pour mieux organiser sa délégation, persuadé que ses compétences techniques sont seules à la base de sa légitimité. Quelques éléments de son histoire personnelle m’indiquent que le chemin a été long et qu’il a franchi de haute lutte chaque étape. L’entreprise attend de lui qu’il se hisse maintenant au niveau d’un dirigeant. Il ne comprend pas le nouveau rôle que l’on attend de lui. Comment vais-je l’amener, s’il le souhaite, à passer cette étape ?
En fin de compte, le changement recherché ne se joue-t-il pas dans l’entre-deux du coach et du coaché ?
Dans un coaching, que nous le voulions ou non, nous investissons beaucoup de nous-même. Cette donnée est indispensable pour qu’une relation d’alliance et de transfert se mette en place. Il peut être tentant, dans certaines situations interpellantes pour soi, d’intervenir un peu trop, en fonction de sa vision du monde, de ses croyances, de ses a-priori parfois, au risque d’influencer le coaché.
Certains sentiments peuvent apparaître chez le coach : impatience, impuissance, doute, volonté de résultat trop rapide. Ces sentiments peuvent devenir des écueils qui risquent de nous amener à prendre parti, soit pour le coaché, soit pour l’entreprise de façon trop tranchée, de concilier trop vite les deux points de vue au risque de figer chacun dans sa position. Parfois, d’éluder certaines questions embarrassantes.
Nous devons être conscient de tous ces risques. Il est intéressant d’observer que “l’entre-deux” fait émerger une réflexion sur la frontière, la marge, notre espace de liberté. Comment arrivons-nous à rapprocher des réalités différentes, parfois contradictoires ?
Nous maintenir dans cet ’’entre-deux’’ n’est certes pas une position de confort. Pourtant, c’est dans cet espace qu’il va nous falloir inventer et faire découvrir du nouveau, de l’inattendu, du non-advenu.
Par Odile Mora
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